Impudique peut-être, mais en cela unique
J’ose publier ici un mois de mes amours
Celui-ci plus qu’un autre était transatlantique
Et l’impudeur serait d’en taire la folle cours
Qu’a Paris et par le circuit ordinateur
Nous nous sommes livrés, virtuels et concrets
Dans l’instant du plaisir, moment où l’on a peur
De se livrer entier à celui qu’on aime. Mais
Dix-milles kilomètres nous séparent maintenant.
Et la chanson que je publie. Oui, ce poème
C’est pour te déclarer une dernière fois : je t’aime
Et rentrer en moi-même silencieusement.
Tu as crû jusqu’au bout avoir le dernier mot;
Mais selon le poème qu’ici j’ose et parafe
C’est par les mots ici, et là que l’on dégrafe
Les derniers vêtements que l’on a sur la peau.
« With my total love.
Sure »
***
Invulnérable! Une pincée de cette cocaïne
Te rendra tel. Il faut vraiment que tu essayes.
La douleur est si loin, le matin n’est pas près ;
Nous avons toute la nuit pour une partie fine.
Popers. Prends-en un peu. Ça te fera monter.
Éphémèrement hélas, — il t’en faudra encore
Et encore, et après, dans un rouge décors
Le mal de tête aura l’empire du monde entier.
Héroïne! Amie des cœurs brisés hélas
Tu nous défonces en de fatales impatiences
J’en veux! J’en veux encore! Cette douce présence
Te fera l’âme lourde et vivant dans ta crasse.
Mais, Ô, alcool! — Toi, que j’ai — vrai ! —abandonné
Seul tu sais vraiment calmer toutes les souffrances
Du simple chagrin à la psychose, la démence
Tu n’as eu pour moi que caresses et que bontés.
***
Duskdawn
Crépuscule! Et l’horreur des grandes solitudes.
Je sens de plus en plus l’angoisse et l’anxiété.
Je quitterai lundi la fétide cité
Pour prendre un peu de champ, sinon de l’altitude.
C’est dit : je quitte la ville par le train de minuit.
Je trouverai l’aurore, non sans quelque mystique ;
Je laisserai ces lieux tristes et spleenetiques
Pour m’enfermer ailleurs. — Pour fuir l’Infini.
Et comme il est atroce le sublime Infini!
Il me traverse le ventre ainsi que la crâne,
Ce sillon douloureux, qui presque me trépane,
Je le planterai là, lorsque enfin j’aurai fui.
Crépuscule! Encore toi! Je me retire du monde,
Pour savourer enfin ma drogue : la solitude.
Oui, je rentre chez moi, un peu par habitude
Et en homme traqué par le gouffre sans onde.
***
J’ai très-très tôt fait l’expérience du ruisseau
Tutoyant les sommets, et tutoyant les astres.
J’ai croisé les prisons, libéré les cadastres,
Et je me suis forgé une mystique perso.
La débauches, l’ivresse, la drogue, et les orgies; —
Rien ne m’est inconnu de ce qui dévoie l’homme.
Et, après tout cela, lorsque je fait la somme
Le sentiment du temps perdu me prend. L’or gît
Et les souvenirs secrets de la mémoire intime;
Il faut tamiser cette rivière personnelle
Pour y trouver la clef des vols d’hirondelles,
Et — discipline — ne pas faire fi de la rime.
Mais aujourd’hui je suis à bout! Mon désespoir
Est sans fond. Il me faut, pour construire mes poèmes
Beaucoup de temps. Patience ou en secret l’on sème
Mais le Néant est blanc, mais l’infini est noir!
***
Le Doute a finalement sapé les édifices
De la morale à Dieu. Il a semé son Gouffre.
Les grandes Causes aussi. L’intellectuel souffre;
— De nos jours mème Socrate louperait son sacrifice.
***
Ces petites amours dont on se souvient peu,
Ces passades dont l’on dit, finalement : « Que c’est vieux! »
Dans notre âme restent celles d’une expansion immense.
De ces sentiments forts qui ont donné un sens
À nos vies misérables, minuscules et infâmes,
Dont nous perdons la trace entre les bras des dames…
Il y a cette fille que je voudrais séduire
Il y a cette fille que je désirerais fuir…
Amours adolescentes et amours libertins
Amours de boulevard pour de vagues putains
Il est vrai que ça semble dater d’un autre âge
Mais qu’il fait bon savoir que l’on n’était pas sage.
***